Flotte d’entreprise : passer à la voiture électrique

Face aux exigences climatiques, à l’envolée du prix des carburants et aux nouvelles contraintes réglementaires, la question n’est plus de savoir si vous allez électrifier votre flotte, mais quand et comment. Passer à la voiture électrique permet de réduire significativement vos coûts d’exploitation tout en valorisant votre image d’entreprise responsable. Dans un contexte où la mobilité bas carbone devient un critère de compétitivité, l’électrification n’est plus une option, mais un levier stratégique à activer rapidement.
Des avantages économiques et stratégiques
Réduction du coût total de possession (TCO)
Le coût total de possession d’un véhicule électrique est inférieur à celui d’un thermique dès lors que l’on intègre l’ensemble des paramètres. Parcourir 100 km coûte en moyenne 2 à 4 € en électrique contre 8 à 12 € en diesel, selon les prix de l’énergie et la consommation du véhicule. Sans embrayage ni vidange moteur, et grâce au freinage régénératif qui réduit l’usure des plaquettes, la maintenance d’un véhicule électrique coûte 20 à 30 % moins cher qu’un thermique. Enfin, l’optimisation fiscale n’est pas négligeable : exonération des taxes sur l'affectation des véhicules de tourisme (ex-TVS), amortissement fiscal plus favorable, récupération possible de la TVA sur l’électricité (pour les véhicules affectés exclusivement à un usage professionnel) améliorent la rentabilité globale.
Incitations fiscales et subventions
La conversion à l’électrique pour les entreprises est aujourd’hui soutenue par des dispositifs ciblés. Depuis le 2 décembre 2024, le bonus écologique n’est plus accessible aux entreprises pour l’acquisition de véhicules neufs. Les sociétés doivent désormais s’appuyer sur les certificats d’économie d’énergie (CEE), qui proposent des primes variant de 2 600 à 4 200 € par utilitaire selon la taille de la flotte et les opérateurs partenaires.
Les aides régionales et locales peuvent compléter ces dispositifs, avec des subventions allant de 3 000 à 6 000 € par véhicule électrique d’entreprise, cumulables avec les CEE pour maximiser l’économie nette d’investissement.
Enfin, le suramortissement fiscal applicable aux utilitaires électriques est désormais modulé en fonction du poids total autorisé en charge (PTAC) :
- 40 % pour 2,6–3,5 t
- 115 % pour 3,5–16 t
- 75 % pour plus de 16 t
avec un plafonnement global à 300 000 € sur trois ans.
Image de marque et responsabilité sociétale (RSE)
Au-delà des avantages financiers, électrifier sa flotte répond aux attentes sociétales actuelles. Chaque véhicule électrique permet d’éviter en moyenne 2 à 3 tonnes de CO₂ par an, contribuant directement aux objectifs climat des entreprises. Proposer des véhicules à faibles émissions améliore également l’image employeur et séduit talents, clients et partenaires sensibles aux enjeux environnementaux.
Les défis et freins à anticiper
Autonomie et usages réels
La question de l’autonomie reste centrale dans la transition vers l’électrique. Contrairement aux véhicules thermiques, l’usage doit être pensé en fonction des capacités réelles des batteries.
- Analyse des parcours quotidiens : identifier la longueur moyenne des trajets, les pics d’activité et les jours à fort kilométrage permet de choisir des modèles adaptés. Par exemple, une citadine électrique couvre largement les besoins d’un technicien urbain mais sera insuffisante pour un commercial parcourant 400 km par jour.
- Saisonnalité et conditions climatiques : le froid impacte l’autonomie des batteries, avec une baisse moyenne de 20 à 30 % en hiver. Il est donc crucial d’intégrer ces paramètres dans vos calculs d’usage, en particulier pour les flottes régionales ou nationales.
Infrastructure de recharge
Sans bornes, pas de mobilité électrique performante. La stratégie de recharge est un élément structurant du projet.
- Bornes AC vs. DC : coûts et puissance : les bornes AC (7-22 kW) suffisent pour la recharge nocturne ou sur site, tandis que les bornes DC (50 kW et plus) permettent une recharge rapide mais impliquent un investissement plus élevé et un raccordement électrique renforcé.
- Gestion de la charge en heures creuses (smart charging) : programmer les recharges durant les heures creuses optimise le coût énergétique et réduit l’impact sur le réseau, notamment lorsque plusieurs véhicules sont branchés simultanément.
- Accords avec opérateurs de bornes publiques : disposer de badges multi-opérateurs ou d’une solution d’itinérance facilite la recharge hors site et rassure les équipes itinérantes.
Gestion du changement et formation
L’adoption de la voiture électrique nécessite un accompagnement spécifique des collaborateurs.
- Programme de conduite éco-responsable : former les salariés à l’éco-conduite électrique maximise l’autonomie et diminue la consommation, tout en améliorant la sécurité routière.
- Accompagnement des salariés : cartes de recharge interopérables, applications de localisation des bornes, simulateurs d’autonomie et guides pratiques sont indispensables pour lever les freins psychologiques et assurer l’adhésion des équipes.
Cadre réglementaire et obligations
Quotas et verdissement (Loi LOM, Fit for 55, etc.)
Le verdissement des flottes s’inscrit dans un cadre réglementaire de plus en plus contraignant. La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) impose aux entreprises possédant plus de 100 véhicules de convertir progressivement leur parc. Dès 2022, au moins 10 % de la flotte devait être constituée de véhicules à faibles émissions, un seuil porté à 20 % en 2024 et qui atteindra 70 % en 2030. Parallèlement, le paquet européen Fit for 55 (Ajustement à l'objectif 55) renforce ces objectifs, visant la neutralité carbone à horizon 2050 et l’arrêt complet de la vente de véhicules thermiques neufs dès 2035. Pour rester en conformité et éviter de futures pénalités, il devient indispensable d’intégrer ces quotas dans la stratégie d’achat et de renouvellement des véhicules.
Année (à partir du 1er janvier) | % minimum véhicules faibles émissions |
2022 | 10 % |
2024 | 20 % |
2027 | 40 % |
2030 | 70 % |
Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) et fiscalité
Le cadre des ZFE-m s'applique désormais à deux vitesses : seules les métropoles les plus polluées (Paris, Lyon, Marseille...) imposent un calendrier strict, incluant l'interdiction des véhicules Crit'Air 3 depuis 2025. Ailleurs, les contraintes sont plus souples, mais cette fragmentation réglementaire suffit à accélérer la décote de vos véhicules thermiques.
En parallèle, la pression fiscale s'intensifie : le malus écologique et les taxes annuelles sur le CO₂ (remplaçant la TVS) se durcissent chaque année, alourdissant le coût de possession des modèles essence et diesel. Dans ce contexte, anticiper la transition vers l'électrique demeure un levier stratégique majeur pour maîtriser vos coûts et garantir la mobilité de vos équipes.
Exemples et retours d'expérience
Multinationales pionnières
IKEA : flotte de livraison 100 % électrique
IKEA a amorcé la conversion de sa flotte de livraison vers l’électrique dès 2019, avec l’objectif ambitieux d’assurer 100 % de ses livraisons en véhicules zéro émission en 2025. À Paris, l’enseigne a déjà atteint cet objectif, intégrant des utilitaires électriques adaptés aux contraintes urbaines et équipant ses dépôts de hubs de recharge rapides. Ce choix stratégique renforce son image de marque et réduit son empreinte carbone, tout en anticipant les restrictions des ZFE.
DHL Express : objectif zéro émission 2030
DHL Express a investi massivement dans l’électrification de sa flotte mondiale, dans le cadre de son plan GoGreen visant zéro émission nette en 2030. La branche française a ainsi déployé des fourgonnettes électriques pour la distribution du dernier kilomètre et développé des infrastructures de recharge sur ses sites logistiques. Cette transformation s’accompagne d’une optimisation des tournées pour maximiser l’autonomie et d’une formation spécifique à la conduite électrique pour les chauffeurs.
Des entreprises françaises exemplaires
Enercoop
Enercoop, fournisseur d’électricité 100 % renouvelable, a fait le choix cohérent d’électrifier l’intégralité de sa flotte d’entreprise. Pour faciliter la transition, l’entreprise a installé des bornes de recharge sur ses différents sites et accompagné ses collaborateurs dans la prise en main des véhicules. Résultat : une baisse significative du coût total d’exploitation et un alignement concret avec sa raison d’être écologique.
Groupe La Poste
Précurseur sur la mobilité électrique, le Groupe La Poste dispose aujourd’hui de la plus grande flotte électrique d’Europe avec plus de 42 000 véhicules à faibles émissions. L’entreprise a investi dans des utilitaires compacts et des vélos-cargos électriques pour assurer ses tournées de distribution, réduisant drastiquement ses émissions de CO₂ et ses nuisances sonores en milieu urbain. Ce modèle inspire de nombreux acteurs de la logistique et du transport de proximité.
Carrefour
Carrefour a annoncé en 2025 l’acquisition de 3 000 utilitaires électriques pour assurer ses livraisons en centre-ville et réduire de 50 % ses émissions logistiques d’ici 2030.
SNCF
SNCF Voyageurs a converti ses flottes techniques et véhicules d’intervention à l’électrique, avec un objectif de neutralité carbone pour ses services de maintenance urbaine avant 2030.
Quelle feuille de route pour électrifier sa flotte ?
Voici un plan d’action phasé recommandé pour réussir l’électrification de votre flotte : audit initial, pilote sur un site ou une équipe, déploiement progressif sur l’ensemble du parc, puis suivi et optimisation continue grâce à la télématique et aux KPI carbone.
Audit et cartographie des usages
La première étape consiste à analyser en profondeur l’usage réel de votre flotte. Cela implique de cartographier les trajets effectués, la fréquence, la durée des arrêts, ainsi que les variations saisonnières. Cet audit permet de définir quels véhicules peuvent être remplacés immédiatement par des modèles électriques et quels profils nécessitent des solutions hybrides ou un ajustement organisationnel. C’est une base indispensable pour dimensionner l’infrastructure de recharge et choisir les bons modèles de véhicules.
Par exemple, sur une flotte de 50 véhicules parcourant en moyenne 80 km/jour, l’électrification permettrait d’économiser environ 2 000 € par véhicule et par an en carburant et maintenance, soit 100 000 € d’économies globales dès la première année.
Sélection des modèles et financement (LOA, LLD, autopartage)
Une fois les besoins identifiés, la sélection des véhicules doit intégrer des critères d’autonomie, de capacité de recharge, mais aussi de confort et d’image pour les collaborateurs et clients. Le financement joue un rôle clé : la location longue durée (LLD) et la location avec option d’achat (LOA) permettent de lisser l’investissement et de sécuriser la valeur résiduelle. L’autopartage interne complète cette stratégie en optimisant le taux d’utilisation des véhicules et en réduisant le nombre total de voitures nécessaires au parc.
Déploiement des bornes et gestion énergétique
L’installation de bornes de recharge doit être pensée comme un projet d’infrastructure à part entière. Cela implique de choisir entre bornes AC (7 à 22 kW) pour la recharge quotidienne et bornes DC (50 kW et plus) pour les besoins rapides. La gestion énergétique – pilotage de la puissance appelée, recharge intelligente en heures creuses, intégration d’ombrières photovoltaïques – devient un levier d’économies et de performance environnementale.
Pilotage data-driven : télématique et KPI carbone
Enfin, la mise en place d’indicateurs de performance (KPI) permet de piloter la flotte de manière data-driven. La télématique embarquée fournit des données précieuses sur l’usage, la consommation énergétique, l’état de charge et l’usure des batteries. Ces données sont indispensables pour optimiser la gestion des véhicules et mesurer la réduction effective des émissions de CO₂ dans le cadre des engagements RSE et des obligations réglementaires.
Optimiser les coûts et maximiser le ROI
Recharge intelligente et vehicle-to-grid (V2G)
La recharge intelligente permet d’optimiser la consommation électrique de la flotte en programmant les recharges pendant les heures creuses, réduisant ainsi le coût du kWh. Plus innovant encore, le vehicle-to-grid (V2G) offre la possibilité d’utiliser la batterie des véhicules comme source d’énergie temporaire pour alimenter le bâtiment ou revendre l’électricité au réseau. Cette technologie transforme la flotte en un actif énergétique qui participe à l’équilibre du réseau tout en générant des revenus complémentaires.
Par exemple, Nissan et EDF ont développé un projet pilote en France utilisant la Nissan Leaf pour injecter l’énergie stockée dans la batterie dans le réseau ou alimenter un bâtiment en période de forte demande, générant ainsi un revenu complémentaire tout en stabilisant le réseau local.
Mutualisation : car-sharing interne et pool de véhicules
Le car-sharing interne consiste à mutualiser les véhicules au sein d’un même site ou entre plusieurs agences, via une plateforme de réservation digitale. Cela réduit le nombre total de véhicules nécessaires tout en augmentant le taux d’utilisation, ce qui améliore le ROI et diminue l’empreinte carbone globale. Cette pratique s’adapte particulièrement aux entreprises multi-sites ou disposant d’équipes aux horaires différenciés.
Seconde vie et recyclage des batteries
La fin de vie d’une batterie ne signifie pas sa mise au rebut immédiate. Après usage automobile, elle peut être reconditionnée pour le stockage stationnaire d’énergie, prolongeant ainsi sa durée d’exploitation de plusieurs années. Enfin, son recyclage permet de récupérer jusqu’à 95 % des matériaux stratégiques (nickel, cobalt, lithium), réduisant l’impact environnemental global du véhicule électrique et sécurisant l’approvisionnement futur en matières premières.
Questions fréquentes sur la flotte électrique (FAQ)
Quels sont les coûts cachés d’une flotte électrique ?
Les principaux coûts indirects concernent l’installation des bornes de recharge, l’adaptation éventuelle du raccordement électrique du site et la formation des équipes. Cependant, ces investissements sont rapidement amortis par les économies réalisées sur le carburant et la maintenance.
Quelle est la durée de vie moyenne des batteries ?
Les batteries lithium-ion actuelles offrent une durée de vie moyenne de 8 à 12 ans ou environ 1 500 à 2 000 cycles de recharge complets. Après leur usage automobile, elles peuvent être utilisées en stockage stationnaire avant d’être recyclées.
Comment gérer les longs trajets professionnels ?
Pour les longs trajets, il convient de sélectionner des modèles avec une autonomie supérieure à 400 km et de planifier les itinéraires en fonction des bornes de recharge rapides disponibles sur le trajet, via des applications spécialisées. Des accords avec des opérateurs de bornes publiques simplifient également cette gestion.
Que faire des batteries en fin de vie ?
En fin de première vie, les batteries sont reconditionnées pour des usages stationnaires (stockage d’énergie renouvelable) avant d’être recyclées à plus de 90 % pour récupérer les matériaux stratégiques et limiter l’impact environnemental.
Prêt à accélérer la transition de votre flotte ?
Électrifier votre flotte, c’est réduire vos coûts d’exploitation, anticiper les obligations réglementaires et valoriser votre image d’entreprise engagée. Dans un contexte où chaque décision impacte votre compétitivité et votre empreinte carbone, le passage à l’électrique devient un choix stratégique et durable.